Economie circulaire et agroécologie

Témoignage d'A.Gonçalves & J-P Choisis

[dicoAE] L'économie circulaire, au service de l'agroécologie, interroge les systèmes agri-alimentaires

Ce 11 mai est le 1er jour de déconfinement... et autour de nous, les questionnements et remises en question de nos modèles économiques se multiplient. Deux chercheurs aux visions complémentaires, une économiste et un zootechnicien, ont participé au travail de définition du terme "Économie circulaire" dans le dictionnaire d'agroécologie. Ils témoignent de l'importance d'intégrer l'économie circulaire dans la redéfinition de nos systèmes agri-alimentaires.

Découvrez ici la définition du terme "Économie circulaire" au regard de l'agroécologie sur le site du dictionnaire d'agroécologie, ainsi que la toute nouvelle vidéo qui l'accompagne !

Quelles ont été les difficultés rencontrées par les étudiants lors de la construction de la définition ?

Amélie Gonçalves

L’économie circulaire est un concept large et l’enjeu du dico était d’arriver à la définir en quelques phrases tout en restituant sa richesse et le caractère novateur du modèle économique qu’elle promeut.

La construction de l’écrit a été l’occasion d’un dialogue avec les étudiants visant à confronter nos visions respectives du terme.

Les étudiants ont su rapidement dégager les principaux points à retenir autour du concept très général d’économie circulaire. Ça a été plus compliqué pour eux de relier le concept générique à l’agriculture (au sens large), puis de le ramener à l’agroécologie. Cela était un enjeu d’autant plus important que la place de l’agriculture dans l’économie circulaire est généralement peu explicitée par les auteurs et acteurs de terrain promouvant ce concept.

Jean-Philippe Choisis

Il a ensuite été crucial d’aller au-delà des grands principes, en les illustrant par du concret, pour rendre la définition plus parlante. La difficulté a alors été de trouver les illustrations les plus pertinentes et « actionnables »

En étant limités à 300 mots, c’est un challenge de trouver la meilleure combinaison entre explications théoriques et illustrations ! Mais ça a aussi aidé les étudiants à expliquer concrètement en quoi cette approche concerne les différentes échelles de l’agroécologie, et à s’extraire d’une définition générique.

Qu’est-ce que vous a apporté cet exercice ?

Jean-Philippe Choisis

L’économie circulaire fait partie des concepts développés par les sciences sociales qui servent aujourd’hui aux sciences biotechniques. Au sein du RMT SPyCE, un travail sur l’intégration de la culture-élevage à l’échelle du territoire" nous a amenés à mobiliser l’économie circulaire. Il m’a alors semblé essentiel de bien définir ce concept selon les enjeux qui guident les actions du RMT : la démarche agroécologique et les changements climatiques. C’est dans cet objectif que j’ai participé à l’accompagnement des étudiants pour la définition du dicoAE. 

Le fait d’être un binôme de disciplines différentes, chacun avec notre vision (plus sciences biotechniques pour moi et sciences sociales pour Amélie) a été très intéressant puisque ce concept d’économie circulaire est à la croisée de ces visions ! Nos représentations du concept ont convergé facilement et ont été enrichies par la triangulation avec les étudiants.

Amélie Gonçalves

Quand nous menons des recherches sur un sujet, nous nous en forgeons une perception qu’il est toujours intéressant de mettre en débat. Cet exercice a été l’occasion de confronter ma vision de l’économie circulaire avec celle de collègues et d’étudiants (étudiants de l’ENSAT ayant travaillé sur la définition et étudiants de l’ENSAV ayant réalisé la vidéo associée). Prendre ainsi du recul sur le concept m’a permis de m’interroger sur ses principes véritablement fondamentaux… et de réaliser que ce qui nous apparait parfois comme un élément central – par exemple du fait de nos problématiques de recherche -  peut paraitre accessoire à d’autres personnes.

La mise en vidéo de la définition a été l’occasion de réfléchir très différemment de l'écrit à ce qu’il est essentiel de faire passer comme message et à la manière de le faire. C’est aussi un exercice collectif qui s’est avéré plutôt ludique.

Ce travail vous a-t-il amené à voir le terme « économie circulaire » sous un autre angle ? comment le remobilisez-vous ?

Amélie Gonçalves

L’économie circulaire interroge largement nos modes de production et de consommation, de même que notre rapport aux ressources environnementales. Si nombre de ses principes rejoignent ceux de l’agroécologie, le secteur agricole reste souvent peu abordé quand on parle de ce concept. Les travaux académiques sur le sujet ou les actions se revendiquant d’elle portent en effet le plus souvent sur les secteurs manufacturiers.

Travailler sur cette définition pour le dicoAE a été une excellente opportunité de réfléchir globalement à la manière dont l’économie circulaire peut s’appliquer non seulement à la production agricole mais aussi aux maillons de la transformation, et consommation alimentaire et ce en lien avec d’autres secteurs.

Les échanges ont mis en lumière les interrogations que ce concept soulève sur nos modèles de développement et la difficulté d'avoir une approche plus systémique de l’agriculture et de l’alimentation.

Ce travail a renforcé ma conviction de l’intérêt des travaux sur ce sujet pour la compréhension de ces nouveaux liens et la reconfiguration des systèmes de production et de consommation.

Jean-Philippe Choisis

S’obliger à définir le terme de façon la plus concise et la plus complète possible (ce qui n’est pas sans difficultés), permet d’aller à l’essentiel, d’avoir une vision plus claire du concept, d’en articuler les tenants et les aboutissants. Aujourd’hui, cela me permet de le mobiliser très concrètement dans les projets que nous montons avec des partenaires de terrain, de l’expliciter plus facilement dans des réponses à des appels d’offre que nous menons dans le cadre du RMT.

Conseilleriez-vous cette expérience à d’autres collègues ?

Amélie Gonçalves

C’est une expérience enrichissante que je recommanderais aux collègues qui souhaitent parler de manière moins académique de leur thématique de recherche tout en participant à une démarche pédagogique stimulante. Il y a bien sûr plusieurs manières d’aborder l’exercice. Si l’on a la possibilité d’y accorder un peu de temps, il permet de co-construire avec des étudiants qui sont d’autant plus motivés qu’il ne s’agit pas seulement de restituer ce qui leur est appris mais de mettre en débat leur vision d’une thématique et leurs propositions de définition.

Jean-Philippe Choisis

Tout d’abord, le dictionnaire d’agroécologie est une ressource précieuse dont scientifiques et étudiants ont besoin aujourd’hui pour comprendre les concepts associés à l’agroécologie : j’incite mes collègues à le consulter dans beaucoup de circonstances, notamment dans mes nouvelles interactions au sein du CIRAD.

L’expérience de définir un concept en 300 mots a été un exercice difficile. Je pense qu’elle participe à développer les compétences en vulgarisation des scientifiques, qui ont souvent tendance à en écrire « des tartines ».  

Un autre aspect intéressant est de savoir que même après l’exercice, nous n’avons pas forcément fait le tour de la définition… pour continuer de l’enrichir, les aspects participatif et évolutif du dicoAE sont essentiels !

Amélie Gonçalves

Amélie Gonçalves est chercheur en économie au sein de l'UMR AGIR, INRAE Occitanie-Toulouse

Jean-Philippe Choisis

Jean-Philippe Choisis est ingénieur en zootechnie système au sein de l’UMR SELMET, INRAE Occitanie-Montpellier

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Date de modification : 08 juin 2023 | Date de création : 06 mai 2020 | Rédaction : Amélie Gonçalves, Lucie Viou