Agroécologie et systèmes d'élevage

Agroécologie : un cadre pertinent pour penser l’évolution des systèmes d’élevage?

Invité pour présenter l’intérêt de l'agroécologie auprès des étudiants de l’École Nationale Vétérinaire de Toulouse, Michel Duru, directeur de recherche INRAE a eu a coeur de montrer l'importance d'une approche globale pour tenter de résoudre les grands défis d'aujourd'hui autour de la santé des écosystèmes, des animaux, et des Hommes. Dans cette approche, l’agroécologie est l’un des outils à mobiliser pour faire évoluer pratiques de production et modes de consommation. Quant aux vétérinaires, ils doivent s'emparer de ces enjeux : acteurs des territoires ruraux, ils ont leur rôle à jouer dans ces transitions !

L’agroécologie vise à promouvoir des systèmes alimentaires plus durables pour l’homme et l’environnement. Bien que peu utilisée en élevage, elle implique pourtant l’ensemble des modes de productions et des filières. Appliquée dans une approche de « santé globale », l’agroécologie peut en effet être un cadre pour faire évoluer durablement les systèmes d’élevages et les régimes alimentaires.

agroécologie

Un constat alarmant mais des voies de progrès possibles dans tous les domaines

Santé humaine, environnement, sécurité alimentaire, qualité des produits et bien-être animal : Michel Duru dresse le constat général alarmant de leur détérioration depuis le milieu du 20ème siècle, ainsi que du rôle de l’élevage et de la consommation de produits animaux.

Des transitions sont donc nécessaires dans les domaines de l'agriculture et de l'alimentation, d'autant plus que la donne a changé récemment: il ne s'agit pas d'améliorer les systèmes mais d'atteindre des objectifs, par exemple diviser les émissions de gaz à effet de serre par deux dans l'agriculture d'ici 2050 pour atteindre la neutralité carbone !

Il rappelle qu’il existe des formes d'élevage à faible impact ou fournissant des externalités positives dans plusieurs domaines, sur lesquelles s’appuyer pour amorcer ces transitions.

La santé globale, un cadre d'analyse systémique pertinent

Pour identifier des changements cohérents, Michel Duru présente le concept clef de "santé globale". C'est un cadre d'analyse qui permet d'étudier les relations entre la santé des écosystèmes, du local au global (changement climatique) et la santé des animaux et des hommes (au-delà de ce que permet l'approche une seule santé (one-heath) qui surtout traite des relations entre santés animale et humaine).

Il propose d'examiner trois domaines d'impacts qui constituent autant d'enjeux à relever. L'un est relatif à la santé des écosystèmes. Il s'agit des impacts globaux qui s'examinent à l'échelle d'un pays ou plus (dérèglement climatique, sécurité alimentaire et déforestation) et locaux qui s'examinent plutôt à l'échelle de régions ou territoires (pollutions de l'air, des eaux et des sols). Deux autres sont relatifs à la valeur santé des produits et au bien-être animal ainsi qu'à la santé humaine. Pour analyser les atouts et impacts de l'élevage et de la consommation de produits animaux sur ces différents domaines de santé, trois types de leviers sont considérés :

  • les dimensionnement, types  (ruminants et monogastriques) et conduites d'élevage ;
  • la transformation des matières premières et leur mode de distribution
  • le régime alimentaire.

Atouts et limites des élevages actuels

Michel Duru explique que pour tenir compte simultanément de tous les enjeux, des changements importants sont nécessaires tant en élevage que dans le régime alimentaire.

Il convient d'abord de prioriser l'alimentation à l'herbe des élevages de ruminants et de renforcer l'utilisation de coproduits pour les élevages de monogastriques, en visant dans tous les cas une autonomie protéique basée sur des légumineuses, pour maximiser les co-bénéfices. Cette autonomie peut être mise en œuvre à différentes échelles (exploitation, territoire, France). Les bonnes pratiques agricoles permettraient de réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) d'environ 13 millions de t en CO2eq à comparer aux émissions du secteur (environ 100Mt CO2eq).

La réduction de consommation de produits animaux, en particulier de la viande, est donc nécessaire en complément de pratiques agroécologiques (élevage herbager, association culture-élevage, utilisation de co-produits....) pour atteindre une réduction des GES de moitié d'ici 2050. C'est aussi nécessaire pour la santé humaine, tout en veillant à améliorer la composition des produits animaux en micro-nutriments. Un régime de type méditerranéen correspondrait à une réduction de moitié de la consommation de viande et réduirait les émissions de GES de 34%. Pour cela, un redimensionnement de l’élevage est essentiel.

De tels objectifs supposent de réorganiser les filières, y compris l'import-export. Des propositions fondées sur l’analyse de la diversité des élevages et de leur réponse aux enjeux d’environnement et de santé ont été présentées.

A retenir... et approfondir

Le concept de santé globale permet de tenir compte des impacts et des atouts de l'élevage sans s'enfermer dans la résolution d’un impact particulier (gaz à effet de serre, efficience protéique, vitamine B12....). Cette approche n’offre cependant pas une seule solution « clé en main » : les transitions à opérer doivent tenir compte des fortes différences de consommation de produits animaux au sein d'un pays, ainsi que des spécialisations agricoles très variables d'une région à l'autre. L’agroécologie est l’un des outils à mobiliser que ce soit dans les pratiques de production comme dans les modes de distribution et de consommation.

Un élevage redimensionné et réorienté vers la transition agroécologique des systèmes alimentaires participe à la santé des sols, des écosystèmes, des animaux, des Hommes et de la planète. Les vétérinaires, en tant qu’acteurs des filières animales et des territoires ruraux, ont aussi leur rôle à jouer dans ces transitions.

 

Michel Duru

Michel Duru est Directeur de Recherche à INRAE et co-animateur du programme PSDR4 Occitanie

Engagé pour une agriculture pour l'environnement et la santé, il invite à découvrir ses articles récents :

 

  • Un article présentant des scénarios pour l'environnement et la santé : Michel Duru, Marc Benoit, Catherine Donnars, Julie Ryschawy, Bertrand Dumont. Quelle place pour l’élevage, les prairies et les produits animaux dans les transitions agricoles et alimentaires ?. Fourrages, Association Française pour la Production Fourragère, 2017, pp.281-296. ⟨hal-02617566⟩
  • Un article sur la valeur santé des produits animaux : Michel Duru, Didier Bastien, Eric Froidmont, Benoit Graulet, Dominique Gruffat. Importance des produits issus de bovins au pâturage sur les apports nutritionnels et la santé du consommateur. Fourrages, Association Française pour la Production Fourragère, 2017, pp.131-140. ⟨hal-01607105⟩
  • Un article qui apporte une vision globale des différents produits animaux pour notre santé selon les modes d'élevage : Michel Duru. Trends in agri-food choices for health since the 1960s: the case of fatty acids. OCL Oilseeds and fats crops and lipids, EDP, 2019, 26, 11p. ⟨10.1051/ocl/2019038⟩. ⟨hal-02624840⟩

Voir aussi

Date de modification : 08 juin 2023 | Date de création : 21 septembre 2020 | Rédaction : Michel Duru