Témoignage Bernard Reilhac

[dicoAE] « Ma vision du terme bioressource a évolué grâce à cet exercice unique en son genre »

Depuis 2 ans, Bernard Reilhac, enseignant-chercheur à l'Ecole d'Ingénieurs de Purpan, accompagne des étudiants de Purpan dans le délicat exercice de rédaction de définitions pour le dictionnaire d’agroécologie. Il témoigne sur ce que lui apporte ce travail, et en quoi pour lui cet exercice relève d’une pédagogie unique en son genre et particulièrement efficace auprès des étudiants

Apprendre à aborder des concepts par différents angles et à recentrer le discours

"Le terme « bioressource » est un élément très conceptuel, assez compliqué à traiter pour les étudiants !

La difficulté majeure rencontrée par les étudiants a été de définir le périmètre de la définition de « bioressource », en lien avec les objectifs du dictionnaire d’agroécologie.  En voulant répondre à « la bioressource c’est quoi ? », ils sont partis dans tous les sens, dans des concepts parfois ésotériques, en voulant lister « toutes les ressources utilisables à l’échelle humaine ». Au départ, c’était un inventaire à la Prévert !

Dans mon travail d’accompagnement, j’ai surtout passé du temps à aider les étudiants à se recentrer sur le message qu’ils souhaitaient faire passer, en lien avec le domaine agricole. Je les ai invités à ré-inclure ce terme dans la bioéconomie. Mon rôle n’est pas de leur tenir le stylo, mais de partager avec eux, de nourrir leur réflexion. Ça a été compliqué pour eux au début, mais une fois qu’ils ont compris le lien entre bioéconomie et bioressource, ça a bien roulé !"

Apprendre à vulgariser

"Pour moi, le futur élève ingénieur doit pouvoir être un vulgarisateur scientifique ! Entre apprenants et enseignants, nous sommes dans un jargon technique, avec des concepts absconds pour le grand public.

Pour cet exercice, je leur explique « Vous devez identifier LE message principal que vous voulez transmettre, et le rendre accessible en 300 mots. Et votre définition sera bonne lorsque votre grand-mère comprendra ce que vous avez écrit ».

C’est un des seuls exercices dans lequel nous demandons d’aller à l’essentiel, de vulgariser, de s’extraire du jargon : des compétences qu’ils auront à mobiliser dans leur futur métier. J’ai essayé de leur transmettre que vulgariser : c’est non seulement donner du plaisir aux gens mais aussi d’en trouver soi-même dans l’envie de partager »."

Et pour l’encadrant : un changement d’approche de l’enseignement de l’agroécologie…. et beaucoup de plaisir

  • "Ça nous apporte beaucoup à nous aussi enseignants : avoir une autre vision d’un terme, prendre le concept différemment
    Pour préparer le travail d’accompagnement que j’ai effectué sur ce terme "bioressource", j’ai d’abord été voir tous mes collègues intéressés par ce sujet et j’ai demandé à chacun, en question ouverte, quelle était leur définition. Cela m’a permis de sortir du cadre dans lequel je me trouvais.
  • Et avec les étudiants, la relation est très différente de l’enseignement classique. Il n’y a plus d’ « enseignants » et d’ « apprenants », avec la transmission d’un savoir de l’un à l’autre. Nous ne sommes pas dans le savoir mais dans la co-construction, qui réunit et fait évoluer les deux parties. Ma vision de "bioressource" s’est précisée en même temps que la définition des étudiants a évolué ! L'aboutissement, c’est une définition qui « appartient » autant aux étudiants qu’à l’accompagnant (tous sont co-signataires de la définition) ! Le savoir appartient à tous : une approche très innovante dans l’enseignement.
  •  J’ai pris un vrai plaisir dans l’ensemble de cet exercice. C’est beaucoup de travail mais c’est très enrichissant ! J’avais déjà participé l’an dernier et je compte bien recommencer l’an prochain.
  • L’agroécologie est quelque chose de novateur, qui nous amène à explorer de nouveaux champs de savoirs. Pour nous, qui sommes dans le domaine agricole, c’est notre rôle d’ouvrir ces domaines à la société. Actuellement l’agribashing est fort : c’est à nous d’expliquer tout ce qui est fait et qui va dans le sens de l’agroécologie, dans ses dimensions technique, sociale, environnementale et sociétale. Le dicoAE a pour cela une importance capitale !

 Je suis persuadé de l’intérêt de cette pédagogie pour transmettre la complexité des concepts de l’agroécologie : si j’avais été en cours, j’aurai donné ma vision à moi… et elle aurait été moins partagée, alors que là, les étudiants ont construit leur propre définition."

 

Bernard Reilhac, enseignant-chercheur à l’École d'Ingénieurs de Purpan, a accompagné trois étudiants du parcours « Agriculture et Développement Durable (ADD) » de Purpan dans la rédaction de la définition de " Bioressource " (1er trimestre 2020).

Voir aussi

Pour en savoir plus sur cet exercice et le partenariat entre Purpan et le dictionnaire d'agroécologie, retrouvez les informations de la restitution de la promo 2019-2020 en cliquant ici.