Illustration de l'atelier
Synthèse atelier Elevage Legumineuses 2021

Retours sur l'atelier "Élevage, produits animaux et légumineuses : comment en faire un trio gagnant en Occitanie ?"

Afin de répondre aux enjeux de santé, de climat et de biodiversité, cet atelier a invité les participants à repenser la coordination des changements à opérer dans les systèmes de culture, en élevage ainsi que dans notre alimentation. Il a réunit plus de 60 participants. Il s'inscrivait à la suite de l'atelier d'octobre 2019 sur "L'enjeu de la diversification des protéines".

Temps 1. Introduction à partir des travaux de la recherche

Présentation de Michel Duru, directeur de recherche à INRAE, co-animateur du programme PSDR4 Occitanie

La consommation de viande et la durabilité des systèmes d’élevage sont particulièrement questionnés dans les pays occidentaux pour leurs impacts sur l’environnement, la sécurité alimentaire, la qualité des produits ainsi que la santé humaine. Dans cette introduction, Michel Duru montre que si le constat général est préoccupant, certaines formes d'élevage, conduites de façon agroécologique, par exemple basés sur des régimes à l’herbe pour les ruminants ou augmentant la part de coproduits dans les rations des monogastriques, peuvent réduire les impacts ou fournir des externalités positives dans plusieurs domaines. L’atteinte de l’autonomie protéique, basée sur la structuration d’une filière légumineuse à destination de l’alimentation animale, doit être recherchée pour maximiser l’ensemble de ces bénéfices. En parallèle, pour la santé humaine, mais surtout pour tenir compte des engagements climatiques, la réduction de la surconsommation actuelle de protéines, surtout celles provenant de produits animaux, doit être encouragée par les politiques publiques (tout particulièrement la viande rouge et les produits ultra-transformés). Cela suppose une réorganisation globale de l’ensemble des filières concernées, accompagnée d’une régulation du volume d’import-export.

Les différents acteurs du système alimentaire doivent s'organiser pour rendre cohérents ces différents changements, de la production à la consommation. Des propositions fondées sur l’analyse de la diversité des élevages et leur capacité à fournir des externalités positives pour la santé animale, humaine et environnementale sont ainsi présentées. Elles ne constituent pas des solutions prêtes à l’emploi, mais des pistes de réflexion et d’échanges afin d’éclairer la décision des acteurs des territoires pour contribuer à la durabilité de leurs systèmes alimentaires.

Temps 2. Interventions d’acteurs des filières

 1. Quels freins et leviers à la relance des légumineuses à graines ?

Intervenants :

  • Alain Larribeau, Ancien directeur de l'activité biologique et des filières contractuelles chez Qualisol
  • Nicolas Prévost, Responsable Commercialisation Collecte Grandes Cultures chez Arterris
  • séquence animée par Marie-Benoit Magrini (UMR AGIR)

 

Dans cette séquence, les intervenants, représentant deux opérateurs historiques de la région Occitanie, les coopératives ARTERRIS et QUALISOL, se rejoignent dans l’analyse des impasses techniques et des solutions agronomiques apportées, ainsi que sur la nécessité d’accompagner la structuration de ces filières pour assurer des prix suffisamment rémunérateurs et stables pour l’agriculteur. A noter l’intérêt croissant pour les cultures associées (par exemple, lentilles-céréales) avancées comme un levier technique performant. Le besoin de resserrer les liens avec le consommateur pour l’inciter à privilégier la consommation de productions françaises issues de filières vertueuses, tant du point de vue environnemental qu’économique, est posé comme un challenge majeur pour l’ensemble des acteurs de la région ; interpellant la manière dont les filières agricoles communiquent collectivement auprès du consommateur pour accompagner le développement de la filière légumineuses.

2. Quels élevages face aux enjeux de santé et d'environnement?

Intervenants :

  • Jean-Luc Besset, Cada - Bleu Blanc Cœur,
  • Karen Statkiewicz & Gabin Gil, Interbev Occitanie
  • séquence animée par Myriam Grillot (UMR AGIR)

Dans cette séquence, la question de l'autonomie en protéines dans les élevages en Occitanie a été abordée par deux représentants des filières élevage - Interbev et un accompagnant les producteurs et fabricants d'aliments sur les questions de nutrition-santé.

Cette question de "Quels élevages face aux enjeux de santé et d'environnement ?" touche différents enjeux sociétaux, comme le lien à l'environnement avec la fourniture de services écosystémiques (ex. meilleure valorisation de l'herbe) ou l'origine et la qualité des produits (ex. remplacer le soja OGM par des légumineuses à graine cultivées en France, cahier des charges label rouge).

Les intervenants ont présenté différentes actions pour tendre vers cette autonomie à différents niveaux : exploitation agricole, région... Leur mise en œuvre nécessite une concertation des différents maillons de la filière élevage et viande (de l’exploitation à la consommation), la production de données techniques par des expérimentations en fermes (ex. performances suite à la cuisson des protéagineux), ainsi que le développement de la filière légumineuses.

3.Quels freins et leviers pour une alimentation plus saine et plus durable?

 Intervenants :

  • Philippe Pointereau, directeur adjoint de Solagro
  • et Lise Pujos, Responsable du label « En Cuisine » à Ecocert
  • séquence animée par Michel Duru (UMR AGIR)

Dans cette séquence, les deux experts se rejoignent sur les principaux changements à opérer dans les régimes alimentaires: plus végétalisés, plus variés avec une plus grande part de produits de qualité (en particulier bio), notamment avec des légumineuses, et moins de produits ultra-transformés.

Philippe Pointereau montre qu'un tel type de repas permet de réduire fortement l'empreinte environnementale de l'assiette, et ce, même avec une forte proportion de produits bio. Il indique que la Région Occitanie a un savoir-faire pour la culture des légumineuses, et que les marges de progrès pour la montée en gamme des produits animaux sont grandes.

Découvrir la brochure de Solagro : « Le revers de notre assiette ».

Lise Pujos explique que promouvoir une alimentation plus durable en restauration collective nécessite des adaptations pour les cuisiniers, les convives et même les diététiciens. Le développement des légumineuses se heurte aussi à des obstacles tels la surface de stockage pour le trempage et les modalités de préparation pour les rendre attractives. Leur développement est aussi un moyen de ne pas augmenter les coûts tout en réalisant une montée en gamme des produits.

Elle présente le label Ecocert « En cuisine » qui permet de rendre visible et de faire reconnaître les changements vers une alimentation durable effectués par les acteurs de la restauration collective.

Temps 3. Discussion transversale autour des points qui font débat et comment les dépasser

Michel Duru démontre que pour atteindre les objectifs environnementaux fixés dans les politiques publiques françaises et européennes, notamment la division par deux des émissions de GES, un changement de cap drastique est nécessaire pour les éleveurs, les consommateurs et les acteurs des filières. La discussion de cette vidéo porte donc sur comment réussir à enclencher ces changements.

Deux témoignages de dispositifs déjà existants renforçant les liens entre élevage, légumineuses et nutrition ont permis d'éclairer la discussion d'exemples concrets :

  • Muriel Gineste (CISALI): témoignage autour du projet FILEG, construction d’une filière légumineuse en Occitanie
  • Hugo Dereymez (cuisinier en restauration collective à Nogaro) : témoignage autour du PETR du Pays d'Armagnac

Les éléments de débat discutés entre intervenants et participants :

Autour des consommateurs et de la restauration collective :

  • La consommation de viande (hors volailles et hors viandes utilisées comme ingrédients) a diminué depuis 2007 de 153g par jour à 134g par jour par personne. Mais comment aller plus loin ? C’est souvent dans la restauration collective (déjeuner) où l’on consomme souvent de la viande.
  • Réduire la proportion de viande en restauration collective soulève des difficultés :
    • Pour les cuisiniers : déconstruire l’assiette selon les valeurs de l’alimentation durable n’est pas si simple, du fait de verrous sociologiques, logistiques et techniques,
    • En termes sociaux : c’est aussi là que certains milieux sociaux ont accès aux protéines viande.
  • Nécessité de tenir compte des inégalités de pouvoir d’achat également : les viandes de qualité (bio, autres labels..) coûtent plus cher.

Autour des marchés mondiaux :

  • Une augmentation de la consommation des légumineuses peut poser un problème de compétitivité par rapport à l’international : est-ce que la France peut être compétitive ? est-ce que les règles sont les mêmes dans les pays d'où nous importons?
  • Comment gérer une réduction des importations de viande ? faut-il reconquérir des marchés à l’international ? = produire moins, exporter plus, importer moins.

Au niveau transversal :

  • Ces mondes (agriculture, transformation, consommation) restent cloisonnés ; chaque acteur ne comprend pas les tenants et aboutissants des autres. Mettre à disposition la connaissance, arriver à penser des dispositifs d’apprentissages, est un enjeu.
  • Chacun a tendance à se dire « oui je suis conscient qu’il faut que je change, mais mon changement est conditionné à l’autre » ==> Si on veut vraiment penser « changement », il faut mettre tout le monde autour de la table et concevoir des espaces de co-construction, des espaces d’expérimentation du changements : quels dispositifs imaginer pour accompagner cette transition avec les acteurs ?
  • Auprès des écoles et des jeunes générations : on sait que chaque interprofession (par filière) à ses « kits » auprès des enfants et des jeunes générations, mais comment réussir à concevoir des animations qui soient transversales sur les enjeux agriculture, alimentation, environnement ? ==> L’Occitanie est-elle prête à porter une animation spécifique, transversale aux parties prenantes ?

Quelques leviers proposés par les participants (dans le questionnaire d’inscription et pendant les échanges dans le chat) :

Leviers pour les acteurs de l’agriculture et de l’élevage :

  • Mettre en place des formations pour les sensibiliser aux enjeux autour de la nutrition humaine et de la santé, afin de découvrir des opportunités ou identifier des impasses
  • Soutenir les éleveurs pour qui des changements nécessaires à l'atteinte de systèmes "plus vertueux" sont importants

Leviers autour des légumineuses pour les acteurs de l’alimentation et de la restauration collective :

  • Rendre les légumineuses attractives pour les consommateurs
    • Travailler sur le GOÛT des produits à base de légumineuses, proposer des produits transformés sympas, bons, "décalés" pour toucher les "non-initié.es" de la légumineuse, proposer de nouvelles recettes pour faciliter leur utilisation en restauration collective
    • S'inspirer des cuisines indiennes, orientales et asiatiques (végétariennes) pour mettre en valeur les légumineuses et les céréales.
    • Les faire reconnaitre au niveau de la règlementation pour toutes leurs vertus, en mettant en avant qu'elles contribuent à une approche "one-health": la santé pour les hommes, les sols et la planète
  • Jouer sur le contenu des assiettes
    • Jouer sur la taille des portions de viande,
    • Au lieu d’opposer menus végétariens et à base de viande, mettre en avant les plats dit alternatifs (= présence de viandes mais avec réduction des grammages) à partir de plats traditionnels (petit salé aux lentilles, chili con carne…)
  • Les rendre attractives / gérer la technicité pour les cuisiniers
    • Créer des formations pour les cuisiniers, et de la R&D pour permettre concrètement ces changements en termes logistiques et techniques en cuisines collectives.
    • Solliciter des grands cuisiniers qui montrent l’exemple et donnent des idées novatrices pour cuisiner les légumineuses et repenser l’assiette : grands cuisiniers, avec TOP CHEF notamment !
  • Mais sensibiliser au fait que les légumineuses ultra-transformées ne sont pas bonnes pour la santé

Leviers transversaux :

  • Mettre en réseau les Plans Alimentaires Territoriaux (qui souvent se conduisent de manière isolée) pour capitaliser les retours d’expériences,
  • Sensibiliser le grand public de l’intérêt d’une consommation locale pour amener les IAA à se relocaliser et s’approvisionner dans les bassins de production.
  • mettre en place des dispositifs d'information, d'échanges, voire de gouvernance entre "les mondes" de l'agriculture et de l'alimentation qui sont toujours très cloisonnés
  • Mettre en place des expérimentations qui, à travers le « faire », pour transmettre les compétences et connaissances ; car pour faire, il faut comprendre et ça c’est nécessaire : d’expliquer, de donner accès à la formation

Idées d’entreprises, associations, outils qui existent déjà (proposés par les participants dans le questionnaire ou via le chat) :

  • Toomaï, entreprise incubée au sein de la pépinière Supagro - INRA de Montpellier qui valorise les légumineuses (pois chiche en farine) et les céréales résilientes (sorgho) en bio. Et ceci via une fabrication artisanale, réalisée à côté de Montpellier.
  • Slow Food qui au delà de la "malbouffe" prend en compte la préservation de l’environnement et travaille sur le goût !
  • des outils qui existent déjà : évaluer les surfaces agricoles nécessaires pour nourrir localement la population (et impacts écologiques et en termes d’emploi) = l’outil PARCEL (https://parcel-app.org), en veillant à compléter pour tenir compte de la diversité des élevages
  • des collectifs / associations qui travaillent déjà à réunir ces 3 domaines : Les greniers d’abondance (https://resiliencealimentaire.org/) qui ont notamment participé au développement de l’outil CRATer (https://crater.resiliencealimentaire.org/) qui s’appuie en partie sur des données issues de PARCEL pour évaluer le niveau de résilience alimentaire des territoires

Nous précisons ici que ces listes n'ont pas de caractère d'exhaustivité mais sont le résultat des échanges qui se sont tenus lors de cet atelier.

Cet atelier a été organisé par Michel Duru, Marie-Benoit Magrini et Myriam Grillot, de l'UMR AGIR, INRAE
Avec l'appui de Lucie Viou, PSDR4 Occitanie (INRAE - Région Occitanie)

Voir aussi

L'atelier "L'enjeu de la diversification des protéines" du 31 octobre 2019